Le club lecture, réuni à la Maison des Associations, a sélectionné quelques ouvrages (novembre 2022)
Le club lecture, réuni à la Maison des Associations, a sélectionné quelques ouvrages (novembre 2022) (est joint pour chaque ouvrage le résumé de quatrième de couverture).
Mathieu BELEZI : Attaquer la terre et le soleil (Le Tripode). Prix du journal Le Monde 2022
Salué par la critique depuis vingt ans mais encore méconnu du grand public, Mathieu Belezi livre avec Attaquer la terre et le soleil un roman magistral, qui incarne la folie et l'enfer de la colonisation de l'Algérie au 19e siècle.
Attaquer la terre et le soleil narre le destin d'une poignée de colons et de soldats pris dans l'enfer oublié de la colonisation algérienne, au dix-neuvième siècle. Et en un bref roman, c'est toute l'expérience d'un écrivain qui subitement se cristallise et bouleverse, une voix hantée par Faulkner qui se donne.
Depuis plus de vingt ans, Mathieu Belezi construit une œuvre romanesque d'une cohérence étonnante, à la phrase ciselée. La musicalité qui frappe dès les premières lignes d’Attaquer la terre et le soleil fait écho à Le Petit Roi, son premier roman publié en 1998 aux éditions Phébus. Quant à son thème, il renvoie évidemment à sa grande trilogie algérienne, publiée successivement aux éditions Albin Michel (C’était notre terre, 2008) et Flammarion (Les vieux Fous, 2011 ; Un faux pas dans la vie d'Emma Picard, 2015). Est-ce la constance de ce parcours qui explique la fulgurance de ce nouveau roman ? Écrit en quelques mois, Attaquer la terre et le soleil dit en tout cas avec une beauté tragique, à travers les voix d'une femme et d'un soldat, la folie, l'enfer, que fut cette colonisation.
Olivier MAK-BOUCHARD: Le Dit du Mistral (Le Tripode)
Après une nuit de violent orage, un homme voit toquer à la porte de sa maison de campagne Monsieur Sécaillat, le vieux paysan d’à-côté. Qu’est-ce qui a pu pousser ce voisin secret, bourru, généralement si avare de paroles, à venir jusqu’à lui ? L’homme lui apporte la réponse en le conduisant dans leur champ mitoyen : emporté par la pluie violente et la terre gorgée d’eau, un pan entier d’un ancien mur de pierres sèches s’est éboulé. Or, au milieu des décombres et de la glaise, surgissent par endroits de mystérieux éclats de poterie. Intrigués par leur découverte, les deux hommes vont décider de mener une fouille clandestine, sans se douter que cette décision va chambouler leur vie.
S’il se nourrit des œuvres de Giono et de Bosco, Le Dit du Mistral n’est pas un livre comme les autres. C’est le début d’un voyage, un roman sur l’amitié, la transmission, sur ce que nous ont légué les générations anciennes et ce que nous voulons léguer à celles à venir. C’est un récit sur le refus d’oublier, une invitation à la vie où s’entremêlent histoires, légendes et rêves. C’est une fenêtre ouverte sans bruit sur les terres de Provence, la photographie d’un univers, un télescope aimanté par les dieux.
Harper LEE : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (Le Livre de Poche)
Dans une petite ville d'Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Homme intègre et rigoureux, cet avocat est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. Celui-ci risque la peine de mort.
Victoria MAS : Un miracle (Albin Michel)
Religieuse chez les Filles de la Charité, soeur Anne reçoit d’une autre de ses congénères une singulière prophétie : la Vierge lui apparaîtra en Bretagne.
Envoyée en mission sur une île du Nord Finistère, elle découvre qu’un adolescent prétend avoir eu la vision qu’on lui avait annoncée.
Face à un événement que personne ne peut prouver, c’est tout un pays qui s’en trouve bouleversé : de la petite Julia, qui voit son mal d’enfance revenir, à Bourdieu, père de famille ayant toujours craint les textes prophétiques, en passant par Isaac, un adolescent qui n’énonce jamais ce qui lui apparaît.
Au fil des pages et des événements, les relations entre les êtres se modifient, les blessures refont surface, les lignes bougent, chacun se voit contraint de modifier son rapport au monde, et quand les éléments s’en mêlent le drame devient inévitable.
Alex MICHAELIDES : Dans son silence (Calmann-Lévy)
Alice, jeune peintre britannique en vogue, vit dans une superbe maison près de Londres avec Gabriel, photographe de mode. Quand elle est retrouvée chez elle, hagarde et recouverte de sang devant son mari, assassiné, la presse s’enflamme. Aussitôt arrêtée, Alice ne prononce plus jamais le moindre mot, même au tribunal. Elle est jugée mentalement irresponsable et envoyée dans une clinique psychiatrique.
Six ans plus tard, le docteur Theo Faber, ambitieux psychothérapeute, n’a qu’une obsession : parvenir à faire reparler Alice. Quand une place se libère dans la clinique où elle est internée, il réussit à s’y faire embaucher, et entame avec elle une série de face-à-face glaçants dans l’espoir de lui extirper un mot. Et alors qu’il commence à perdre espoir, Alice s’anime soudain. Mais sa réaction est tout sauf ce à quoi il s’attendait…
Dans la veine de Mensonges sur le divan d’Irvin Yalom, un redoutable mélange de suspense et de psychanalyse qui ravira tous les lecteurs avides d’histoires prenantes.
François CHENG : Le long d’un amour (Arfuyen)
« Comme vous le savez, m’écrit François Cheng, j’ai publié jadis un livre de poésie intitulé 36 poèmes d’amour chez Unes. Cette édition a définitivement cessé d’exister, et mon recueil est totalement épuisé, mais très recherché. Il est grand temps de lui donner une nouvelle vie. J’ai ajouté une vingtaine de nouveaux poèmes aux anciens. »
« Un seul regard reprend tous les regards / Un seul mot libère tous les échos / Un seul geste rompt l’unique fièvre / Un seul geste rouvre toutes les veines // Nul sang n’est perdu nulle chair vaine ». C’est sur ce poème que s’ouvre le recueil, longue méditation sur l’amour humain et sa signification spirituelle.
Chacun y reconnaîtra ce timbre de voix humble et puissant, tremblant et imperturbable, qui parcourt l’œuvre entière de cet étrange taoïste, si différent et si proche de nous, en qui bien des lecteurs aujourd’hui se reconnaissent.
Citons un des textes récents de ce livre : « L’Être n’est-il pas cette musique / Qui depuis l’origine / cherche à se faite entendre / Qui attend / chaque instant de chaque jour / et chaque jour de toute vie / Que la main sache enfin toucher la lyre. »
Fiodor DOSTOÎEVSKI : Les frères Karamazov (Folio Classique)
Dernier grand roman de F. M. Dostoïevski (1821-1881) Les Frères Karamazov paraissent en revue de 1879 à 1880 dans Le Messager russe. À mesure des livraisons, le succès va grandissant, renforcé par les lectures qu'en donne l'écrivain aux soirées littéraires du moins dans le public car la presse réagit en fonction de ses convictions démocrates ou conservatrices. Les attentats terroristes se multiplient, les pendaisons aussi. L'empereur Alexandre II est déjà condamné par le Comité exécutif des révolutionnaires de Terre et Liberté. L'œuvre racontait la mise à mort du père, la rébellion sanglante des fils, et tentait de les conjurer. Elle venait à point nommé.
Annie ERNAUX : Les années (Gallimard) Prix Nobel 2022
"La photo en noir et blanc d'une petite fille en maillot de bain foncé, sur une plage de galets. En fond, des falaises. Elle est assise sur un rocher plat, ses jambes robustes étendues bien droites devant elle, les bras en appui sur le rocher, les yeux fermés, la tête légèrement penchée, souriant. Une épaisse natte brune ramenée par-devant, l'autre laissée dans le dos.
Tout révèle le désir de poser comme les stars dans Cinémonde ou la publicité d'Ambre solaire, d'échapper à son corps humiliant et sans importance de petite fille. Les cuisses plus claires, ainsi que le haut des bras, dessinent la forme d'une robe et indiquent le caractère exceptionnel, pour cette enfant, d'un séjour ou d'une sortie à la mer. La plage est déserte. Au dos : août 1949, Sotteville-sur-Mer".
Au travers de photos et de souvenirs laissés par les événements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne à ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective.