Le club lecture, réuni à la Maison des Associations, a sélectionné quelques ouvrages (février 2023)
(est joint pour chaque ouvrage le résumé de quatrième de couverture).
Martine-Marie Muller : Les Filles de la section Caméléon (Presses de la Cité).
3 août 1914. Le premier mort français de la guerre ne fut pas le fait d’un Allemand, mais d’une femme qui repoussait les assauts de son mari ! Sous le nom de Colline La Chance, celle-ci se réfugie à Amiens. Et elle sera la chance de la Citadelle, village abandonné que vont peupler deux cents femmes rejetées, filles mères, veuves, qui vont former la section Caméléon, des expertes dans l’art naissant du camouflage qui doit épargner la vie des soldats. C’est la vie de cette communauté d’ouvrières solidaires, gouailleuses, émouvantes que l’on découvre autour de Colline.
Une histoire vraie, magnifique, qui célèbre des oubliées de l’Histoire.
Giuliano Da Empoli: Le mage du Kremlin (Gallimard) Grand prix du roman de l’Académie française 2022.
On l’appelait le « mage du Kremlin ». L’énigmatique Vadim Baranov fut metteur en scène puis producteur d’émissions de télé-réalité avant de devenir l’éminence grise de Poutine, dit le Tsar. Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre…
Ce récit nous plonge au cœur du pouvoir russe, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants. Et où Vadim, devenu le principal spin doctor du régime, transforme un pays entier en un théâtre politique, où il n’est d’autre réalité que l’accomplissement des souhaits du Tsar. Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir.
De la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, Le mage du Kremlin est le grand roman de la Russie contemporaine. Dévoilant les dessous de l’ère Poutine, il offre une sublime méditation sur le pouvoir.
Evelyne HEYER : La vie secrète des gènes (Flammarion)
Deux mètres d'ADN, 46 chromosomes, 20000 gènes...Tapis dans le minuscule noyau de nos cellules, nos gènes disent en quoi nous sommes à la fois uniques et semblables. Ils nous connectent aussi à la vaste saga de notre espèce, héritière de millions d'années d'évolution biologique et culturelle. Or, si les gènes sont aujourd'hui omniprésents, des tests récréatifs aux vaccins en passant par les séries policières, ils restent des plus mystérieux.
Quel est l'impact des gènes légués par Néandertal ? Pourquoi certains d'entre nous peuvent-ils boire du lait et d'autres non ? L'intelligence est-elle déterminée génétiquement ? La notion de race a-t-elle un quelconque sens ? Pourquoi avons-nous tous des ancêtres migrants ?
En une trentaine de chapitres illustrés, Evelyne Heyer lève un coin du voile et nous conte la vie secrète des gènes. Tout en exposant les dernières découvertes de la science, elle illustre à quel point notre patrimoine génétique est au fondement de notre humanité, tout en constituant une fascinante machine à remonter le temps...
Emmanuelle FAVIER : La Part des cendres (Albin Michel)
De l’incendie de Moscou au manoir de Kerlan en passant par Dresde, Odessa, la Carinhall de Goering, Nuremberg et New York, deux siècles de tumulte ou le fol itinéraire d’un petit coffret contenant un trésor, symbole de la grande Histoire des spoliations et des guerres.
Fresque monumentale où l’on croisera les monstres et les héros modestes de l’Histoire, les crapules et les martyrs, La Part des cendres entrelace avec génie les fils de cette toile qui fait l’humanité – son courage, sa ferveur et son avidité
Alexandra KOSZELYK : L’Archiviste (Aux Forges de Vulcain)
K. est archiviste dans une ville détruite par la guerre, en Ukraine. Le jour, elle veille sur sa mère mourante. La nuit, elle veille sur les œuvres d'art que, lors de l'évacuation, on a entassées dans la bibliothèque dont elle a la charge. Un soir, elle reçoit la visite d'un des envahisseurs, qui lui demande d'aider les vainqueurs à détruire ce qu'il reste de son pays : ses romans, ses poèmes et ses chansons.
Il lui demande de falsifier les œuvres sur lesquelles elle doit veiller. En échange, sa famille aura la vie sauve. Commence alors un jeu de dupes entre le bourreau et sa victime, dont l'enjeu est l'espoir, espoir d'un peuple à survivre toujours, malgré la barbarie.
Andreï MAKINE : L’Ami arménien (Livre de Poche)
A travers l’histoire d’une amitié adolescente, Makine révèle dans ce véritable bijou de littérature classique un épisode inoubliable de sa jeunesse.
Le narrateur, treize ans, vit dans un orphelinat de Sibérie à l’époque de l’empire soviétique finissant. Dans la cour de l’école, il prend la défense de Vardan, un adolescent que sa pureté, sa maturité et sa fragilité désignent aux brutes comme bouc-émissaire idéal. Il raccompagne chez lui son ami, dans le quartier dit du « Bout du diable » peuplé d’anciens prisonniers, d’aventuriers fourbus, de déracinés égarés «qui n’ont pour biographie que la géographie de leurs errances. »
Il est accueilli là par une petite communauté de familles arméniennes venues soulager le sort de leurs proches transférés et emprisonnés en ce lieu, à 5 000 kilomètres de leur Caucase natal, en attente de jugement pour « subversion séparatiste et complot anti-soviétique » parce qu’ils avaient créé une organisation clandestine se battant pour l’indépendance de l’Arménie.
De magnifiques figures se détachent de ce petit « royaume d’Arménie » miniature : la mère de Vardan, Chamiram ; la sœur de Vardan, Gulizar, belle comme une princesse du Caucase qui enflamme tous les cœurs mais ne vit que dans la dévotion à son mari emprisonné ; Sarven, le vieux sage de la communauté…
Un adolescent ramassant sur une voie de chemin de fer une vieille prostituée avinée qu’il protège avec délicatesse, une brute déportée couvant au camp un oiseau blessé qui finira par s’envoler au-dessus des barbelés : autant d’hommages à ces « copeaux humains, vies sacrifiées sous la hache des faiseurs de l’Histoire. »
Le narrateur, garde du corps de Vardan, devient le sentinelle de sa vie menacée, car l’adolescent souffre de la « maladie arménienne » qui menace de l’emporter, et voilà que de proche en proche, le narrateur se trouve à son tour menacé et incarcéré, quand le creusement d’un tunnel pour une chasse au trésor, qu’il prenait pour un jeu d’enfants, est soupçonné par le régime d’être une participation active à une tentative d’évasion…
Ce magnifique roman convoque une double nostalgie : celle de cette petite communauté arménienne pour son pays natal, et celle de l’auteur pour son ami disparu lorsqu’il revient en épilogue du livre, des décennies plus tard, exhumer les vestiges du passé dans cette grande ville sibérienne aux quartiers miséreux qui abritaient, derrière leurs remparts, l’antichambre des camps.
Amélie NOTHOMB : Le livre des sœurs (Albin Michel)
"Les mots ont le pouvoir qu'on leur donne"
Annie ERNAUX : L’événement (Folio Gallimard)
L'occasion d'un banal examen dans un cabinet médical replonge la narratrice plus de trente ans en arrière, en janvier 1964, au moment de son avortement clandestin. Si le souvenir apparaît lointain, l'événement n'en est pas moins indélébile. A la fois égarée et démunie, pendant deux mois, la jeune femme d'alors a caché sa grossesse, à ses parents comme à ses amis proches, cherché désespérément une "faiseuse d'anges". C'est à Paris, rue Cardinet, que la narratrice trouvera l'infirmière clandestine qui lui plongera dans le sexe la sonde nécessaire. Et c'est à Rouen, dans sa chambre d'étudiante, banale et dérisoire, en compagnie de sa voisine, qu'elle sera "assise sur le lit, avec le fœtus entre les jambes", véritable "scène de sacrifice". Pour la narratrice, il s'agit "d'entraîner l'interlocuteur dans la vision effarée du réel".
Récit autobiographique terrifiant et sensible, à valeur d'exorcisme, raconté dans la simplicité violente et cruelle des faits, L'Événement rappelle une société engoncée dans ses principes, ses tabous et ses préjugés de classe, en même temps qu'il révèle un événement vécu comme une initiation. --Céline Darner
Annie ERNAUX : Le jeune homme (Gallimard)
En quelques pages, à la première personne, Annie Ernaux raconte une relation vécue avec un homme de trente ans de moins qu'elle. Une expérience qui la fit redevenir, l'espace de plusieurs mois, la « fille scandaleuse » de sa jeunesse. Un voyage dans le temps qui lui permit de franchir une étape décisive dans son écriture.
Ce texte est une clé pour lire l'œuvre d'Annie Ernaux - son rapport au temps et à l'écriture.
Brigitte GIRAUD : Vivre vite (Flammarion) - Prix Goncourt 2022
"J'ai été aimantée par cette double mission impossible. Acheter la maison et retrouver les armes cachées. C'était inespéré et je n'ai pas flairé l'engrenage qui allait faire basculer notre existence. Parce que la maison est au cœur de ce qui a provoqué l'accident. «En un récit tendu qui agit comme un véritable compte à rebours, Brigitte Giraud tente de comprendre ce qui a conduit à l'accident de moto qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Vingt ans après, elle fait pour ainsi dire le tour du propriétaire et sonde une dernière fois les questions restées sans réponse. Hasard, destin, coïncidences ? Elle revient sur ces journées qui s'étaient emballées en une suite de dérèglements imprévisibles jusqu'à produire l'inéluctable. À ce point électrisé par la perspective du déménagement, à ce point pressé de commencer les travaux de rénovation, le couple en avait oublié que vivre était dangereux. Brigitte Giraud mène l'enquête et met en scène la vie de Claude, et la leur, miraculeusement ranimées.