Le club lecture, réuni à la Maison des Associations, a sélectionné quelques ouvrages (novembre 2023)
Est joint pour chaque ouvrage le résumé de quatrième de couverture.
Yan LESPOUX : Pour mourir, le monde (Editions Agullo)
Quand les empires sombrent, quand les sociétés se délitent, des brèches se créent qui permettent de s'immiscer dans les interstices de l'Histoire. 1627, sur la route des Indes, dans la fureur d'une ville assiégée, dans le dédale des marais et des dunes battues par le vent, l'aventure est en marche et trois héros ordinaires verront leur destins réunis par une tempête dantesque... Il y a Marie sur la côte landaise. Pour échapper aux autorités qui la recherchent, elle s'est réfugiée dans une communauté de pilleurs d'épaves sous la coupe d'un homme brutal. La jeune fille à peine sortie de l'adolescence refuse pourtant de baisser la tête. Au Brésil, il y a Diogo, orphelin engagé dans la guérilla portugaise qui tente de reprendre Salvador de Bahia aux Hollandais. Et à Goa, il y a Fernando, engagé de force dans l'armée portugaise, qui met tout en œuvre pour échapper à sa condition.
Andreï KOURKOV : L’oreille de Kiev (Liana Levi)
Kiev, 1919. La ville est tombée aux mains des bolcheviks en février et le nouveau pouvoir s'y met en place tant bien que mal alors que la guerre civile fait rage : la région est en proie à des combats opposant les troupes de l'indépendantiste ukrainien Petlioura, l'armée blanche de Denikine, les anarchistes de Makhno... Samson, jeune étudiant, se retrouve du jour au lendemain à devoir se débrouiller seul après qu'un cosaque a tué son père sous ses yeux et lui a tranché à lui son oreille droite. Il découvre bientôt que celle-ci continue à entendre et lui transmet par moment les bruits qu'elle capte, même à distance. Enrôlé un peu par hasard dans la milice, Samson commence par enquêter sur les deux soldats de l'Armée rouge qu'on lui a imposés comme locataires et qu'il soupçonne de se livrer au brigandage, aidé par une jeune femme, Nadejda, bolchevik convaincue et employée au Bureau des statistiques, dont il ne tarde pas à tomber amoureux. Cette enquête le conduit sur la piste d'autres crimes dont l'instigateur serait un mystérieux Jacobson...
Jean-Louis FOURNIER : Veuf (Stock)
Sylvie est partie discrètement sur la pointe des pieds, en faisant un entrechat et le bruit que fait le bonheur en partant. Elle ne voulait pas déranger, elle m'a dérangé au-delà de tout. Cette année, l'hiver a commencé plut tôt, le 12 novembre. Je crois qu'il va durer très longtemps et être particulièrement rigoureux.
Sylvie m'a quitté, mais pas pour un autre. Elle est tombée délicatement avec les feuilles. On discutait de la couleur du bec d'un oiseau qui traversait la rivière. On n'était pas d'accord, je lui ai dit tu ne peux pas le voir, tu n'as pas tes lunettes, elle ne voulait pas les mettre par coquetterie, elle m'a répondu, je vois très bien de loin, et elle s'est tue, définitivement. Les pompiers sont arrivés, ils n'ont pas réussi à ranimer le feu, elle s'était éteinte. Elle n'aimait pas parler d'elle, encore moins qu'on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu'elle est partie.
.Phan Qué Mai NGUYEN : Pour que cherchent les montagnes (Charleston)
Viêt Nam, 1972. Depuis leur refuge dans les montagnes, la petite Huong et sa grand-mère Diêu Lan regardent Hà Nôi brûler sous le feu des bombardiers américains. Une semaine plus tard, Huong découvre les décombres qui ont remplacé sa maison : la guerre, l'ombre qui a emmené ses parents et ses oncles dans les forêts du Sud, vient de faire une entrée brutale dans sa vie. Pourtant, malgré la destruction, le quotidien reprend son cours dans la capitale. Des colonnes de fumée s'élèvent tous les soirs des abris de fortune, les éclats de rire des enfants résonnent et, peu à peu, les vétérans reviennent du front. Mais, derrière la joie des retrouvailles, Huong entrevoit déjà les sombres souvenirs qui pourraient déchirer sa famille comme les souffrances déchirent sa patrie depuis des décennies... Avec une justesse historique remarquable, Nguyên Phan Quê Mai nous offre un voyage poignant à travers un siècle d’histoire vietnamienne, de l’occupation française de Saigon. Un hymne intime à la résilience des peuples ravagés par la guerre et la mort.
Jean-Baptiste ANDREA : Veiller sur elle (L’iconoclaste) - PRIX GONCOURT 2023
Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes. Né pauvre, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre sans envergure. Mais il a du génie entre les mains. Toutes les fées ou presque se sont penchées sur Viola Orsini. Héritière d'une famille prestigieuse, elle a passé son enfance à l'ombre d'un palais génois. Mais elle a trop d'ambition pour se résigner à la place qu'on lui assigne. Ces deux-là n'auraient jamais dû se rencontrer Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter. Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l'autre. Liés par une attraction indéfectible, ils traversent des années de fureur quand l'Italie bascule dans le fascisme. Mimo prend sa revanche sur le sort, mais à quoi bon la gloire s'il doit perdre Viola ? Un roman plein de fougue et d'éclats, habité par la grâce et la beauté.
David GRANN : Les naufragés du Wager (Editions du Sous-Sol)
En 1740, le vaisseau de ligne de Sa Majesté le HMS Wager, deux cent cinquante officiers et hommes d'équipage à son bord, est envoyé au sein d'une escouade sous le commandement du commodore Anson en mission secrète pour piller les cargaisons d'un galion de l'Empire espagnol. Après avoir franchi le cap Horn, le Wager fait naufrage. Une poignée de malheureux survit sur une île désolée au large de la Patagonie. Le chaos et les morts s'empilant, et face à la quasi-absence de ressources vitales, aux conditions hostiles, certains se résolvent au cannibalisme, des mutineries éclatent, le capitaine commet un meurtre devant témoins. Trois groupes s'affrontent quant à la stratégie à adopter pour s'en échapper. Alors que tout le monde croyait que l'intégralité de l'équipage du Wager avait disparu, un premier groupe de vingt-neuf survivants réapparaît au Brésil deux cent quatre-vingt-trois jours après la catastrophe maritime. Puis ce sont trois rescapés de plus qui atteignent le Brésil trois mois et demi plus tard. Mais une fois rentrés en terres anglicanes, commence alors une autre guerre, des récits cette fois, afin de sauver son honneur et sa vie face à l'Amirauté et au grand public. Reconstitution captivante d'un monde disparu, Les Naufragés du Wager de David Grann est un formidable roman d'aventures et une réflexion saisissante sur le sens des récits. Un grand livre par l'un des maîtres de la littérature du réel.
Akira MIZUBAYASHI : Suite inoubliable (Gallimard)
« En lui, la musique parlait français depuis qu’il l’avait vécue en France. En se livrant à la conversation avec Hortense, il avait la sensation d’interpréter un duo avec elle, sensation qu’il ne connaissait pas lorsqu’il s’exprimait dans sa langue maternelle, le japonais. » Pamina est une jeune luthière brillante, digne petite-fille d’Hortense Schmidt, qui avait exercé le même métier au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Embauchée dans l’atelier d’un fameux luthier parisien, Pamina se voit confier un violoncelle très précieux, un Goffriller. En le démontant pour le réparer, la jeune femme découvre, dissimulée dans un tasseau, une lettre qui la mènera sur les traces de destins brisés par la guerre. Des mots, écrits à la fois pour résister contre l’oppresseur et pour transmettre l’histoire d’un grand amour, auront ainsi franchi les frontières et les années. Les histoires entremêlées des personnages d’Akira Mizubayashi, tous habités par une même passion mélomane, pointent chacune à sa façon l’horreur de la guerre. La musique, recours contre la folie des hommes, unit les générations par-delà la mort et les relie dans l’amour d’une même langue.
Christian SIGNOL : Une année de neige (Albin Michel) Partir, fuir sa triste banlieue, la grisaille... Sébastien a dix ans et la leucémie menace sa vie. Malgré l'amour de sa mère, il n'a qu'une obsession : rejoindre dans le Lot ses grands-parents qui sauront éloigner de lui la peur et la mort. Il est sûr qu'au cœur de cette campagne qu'il aime tant, il pourra puiser l'énergie pour lutter contre la terrible maladie qui l'affaiblit chaque jour d'avantage. Dans la petite ferme familiale, Sébastien oscille entre les périodes de découragement et le plaisir des joies simples, dans l'enchantement et le plaisir toujours renouvelé de la nature et de ses secrets. Son grand-père ne lui a-t-il pas raconté que l’hellébore, éphémère "rose de Noël" qui fleurit sous la neige, possède des pouvoirs magiques qui pourraient lui apporter la guérison tant espérée ?
Françoise BOURDIN : A feu et à sang (Belfond)
La famille Gillespie semble avoir trouvé ses marques. Mais la paix sera de courte durée. Entre rivalités, conflits et dérives amoureuses, enfin la suite de "D'eau et de feu" ! Kate et Scott ont eu des jumeaux et sont retournés vivre à Gillespie, où la cohabitation avec Amélie est toujours difficile, mais adoucie par la joie que les enfants apportent au domaine. Tandis que Scott mène de main de maître la distillerie et la filature, Kate a trouvé un poste de professeur de littérature française à Glasgow, et chacun des membres de la famille poursuit sa route avec plus ou moins de facilité. La situation est donc plutôt apaisée. Mais, le soir de Noël, Angus fait une crise cardiaque et décède. Consternation au sein du clan. La question de la succession revient au premier plan, avec d'autant plus de violence que le défunt leur a réservé une surprise qui ne sera pas au goût de tous. Les hostilités sont relancées. L'ambiance familiale se dégrade, la cohabitation devient explosive. Ce sera désormais une bataille rangée dont Kate et Scott pourraient bien faire les frais.
Michel BUSSI : Trois vies par semaine (Presses de la Cité)
Habiter trois villes différentes ? Posséder trois identités reconnues ? Aimer trois femmes intensément ? Avoir trois vies par semaine. Pour tirer les fils de ce nouveau suspense qui mêle les thèmes de l’exil, la vengeance, la multiplicité d’une vie… l’unique Michel Bussi. Mystère autour du cadavre d’un homme nommé Renaud Duval, retrouvé près du belvédère des Quatre Fils Aymon, au cœur des Ardennes. Accident, suicide, assassinat… ? Stupéfaction de la capitaine Katel Marelle quand elle découvre que Renaud Duval s’appellerait également Hans Bernard et Pierre Rousseau. Trois hommes nés le même jour, dans trois villes différentes. Avec trois vies bien cloisonnées. Est-ce seulement possible ? En parallèle de l’enquête menée par la capitaine, trois femmes qui ne se connaissent pas, Agnès, puis Vicky et Éléa, vont tenter de cerner le parcours de l’homme qu’elles ont aimé, un homme qui enterre avec lui ses ombres et ses secrets. Mais pour Vicky et Éléa, il y a des signes (une carte du Japon pour l’une, un jeu de piste pour l’autre) et la profonde intuition que, non, leur compagnon ne peut pas être mort malgré tout ce qui prouve le contraire. Elles ne renonceront pas à leur quête de vérité même si elles sont en danger. Même si deux hommes à la figure brûlée les suivent à la trace. Même s’ils sont prêts à tout et traquent tout ce qui a un lien avec Renaud Duval. Et avec une certaine Milana.
Louise ERDRICH : La sentence (Albin Michel)
«Quand j’étais en prison, j’ai reçu un dictionnaire. Accompagné d’un petit mot : Voici le livre que j’emporterais sur une île déserte. Des livres, mon ancienne professeure m’en ferait parvenir d’autres, mais elle savait que celui-là s’avérerait d’un recours inépuisable. C’est le terme "sentence" que j’y ai cherché en premier. J’avais reçu la mienne, une impossible condamnation à soixante ans d’emprisonnement, de la bouche d’un juge qui croyait en l’au-delà.»
Après avoir bénéficié d’une libération conditionnelle, Tookie, une quadragénaire d’origine amérindienne, est embauchée par une petite librairie de Minneapolis. Lectrice passionnée, elle s’épanouit dans ce travail. Jusqu’à ce que l’esprit de Flora, une fidèle cliente récemment décédée, ne vienne hanter les rayonnages, mettant Tookie face à ses propres démons, dans une ville bientôt à feu et à sang après la mort de George Floyd, alors qu’une pandémie a mis le monde à l’arrêt... On retrouve l’immense talent de conteuse d’une des plus grandes romancières américaines, prix Pulitzer 2021, dans ce roman qui se confronte aux fantômes de l’Amérique: le racisme et l’intolérance.
Audur Ava OLAFSDOTTIR : L’exception (Zulma)
Dans le vacarme ordinaire d’un réveillon à Reykjavík, entre feux d’artifice et bouchons de champagne, Maria n’entend rien de ce que Floki, son mari, lui annonce. Grave décision longtemps mûrie : il la quitte pour un autre. Car la personne qu’il aime n’est autre que son collègue à l’Institut de recherche mathématique où ils mènent tous deux des investigations sur la théorie du chaos. Jusqu’à cette heure précise, Maria était encore une jeune femme rayonnante, flanquée d’adorables jumeaux, dans l’impeccable félicité de sa petite famille. Passé la stupeur et le désarroi commence pour la narratrice l’enchaînement quasi inéluctable des états psychologiques liés à la séparation. Mais dans la nuit de l’hiver polaire, Perla est là, charitable voisine d’à peine un mètre vingt, co-auteur de romans policiers et conseillère conjugale. Comme les lutins des sagas, Perla surgit à tout moment de son appartement de l’entresol pour secourir fort à propos la belle géante délaissée, dont les mésaventures répondent étrangement au traité sur le bonheur matrimonial qu’elle est en train d’écrire…
Après l’immense succès de Rosa candida et de l’Embellie, merveilleux viatiques que l’on garde si durablement en mémoire et au cœur, Auður Ava Ólafsdóttir nous revient avec l’Exception, poursuivant son étude des mœurs de la société islandaise à travers un personnage bousculé par le sort qui prend sur lui, avec esprit et humour, toutes les méchantes drôleries de l’inconstance humaine. Vrai bain de jouvence littéraire, son œuvre ressemble à la vie.
Alexandre SOLJENITSYNE : L’Archipel du Goulag (Seuil)
Immense fresque du système concentrationnaire en U.R.S.S. de 1918 à 1956, "L'archipel du goulag" (ce dernier mot est le sigle de l'Administration générale des camps d'internement) fut terminé par Soljénitsyne en 1968. "Le cœur serré, je me suis abstenu, des années durant, de publier ce livre alors qu'il était déjà prêt : le devoir envers les vivants pesait plus lourd que le devoir envers les morts. Mais à présent que, de toute façon, la sécurité d'État s'est emparée de ce livre, il ne me reste plus rien d'autre à faire que de le publier sans délai." 227 anciens détenus ont aidé Soljénitsyne à édifier ce monument au déporté inconnu qu'est "L'archipel du goulag".
Les deux premières parties, qui composent ce premier volume, décrivent ce que l'auteur appelle "l'industrie pénitentiaire", toutes les étapes par lesquelles passe le futur déporté : l'arrestation, l'instruction, la torture, la première cellule, les procès, les prisons, etc. - ainsi que le "mouvement perpétuel", les effroyables conditions de transfert. (Les deux parties suivantes consacrées à la description du système et de la vie concentrationnaire feront l'objet du second volume à paraître prochainement.) "L'archipel du goulag" n'est pas un roman mais, comme l'intitule Soljénitsyne, un essai d'investigation littéraire. La cruauté parfois insoutenable des descriptions, l'extrême exigence de l'auteur vis-à-vis de lui-même et l'implacable rigueur du réquisitoire sont sans cesse tempérées par la compassion, l'humour, le souvenir tantôt attendri, tantôt indigné ; les chapitres autobiographiques alternent avec de vastes aperçus historiques ; des dizaines de destins tragiques revivent aux yeux du lecteur, depuis les plus humbles jusqu'à ceux des hauts dignitaires du pays. La généralisation et la personnalisation, poussée chacune à leur limite extrême, font de " L'archipel du goulag " un des plus grands livres jamais écrits vivant au monde, "notre contemporain capital".
Marie NDIAYE : Trois femmes puissantes (Gallimard)
Trois femmes puissantes Trois récits, trois femmes qui disent non. Elles s'appellent Norah, Fanta, Khady Demba. Chacune se bat pour préserver sa dignité contre les humiliations que la vie lui inflige avec une obstination méthodique et incompréhensible. L'art de Marie NDiaye apparaît ici dans toute sa singularité et son mystère. La force de son écriture tient à son apparente douceur, aux lentes circonvolutions qui entraînent le lecteur sous le glacis d'une prose impeccable et raffinée, dans les méandres d'une conscience livrée à la pure violence des sentiments.
André MALRAUX : La condition humaine (Gallimard)
Outre l'irréductible échéance liée à la mort, outre les multiples et indicibles souffrances, n'est-il pas donné à tous de choisir son destin ? Certes la vie est tragique mais elle doit avoir un sens. Un sens, peut-être des sens, mais seuls quelques-uns aux vertus salvatrices s'offrent aux hommes pour les affranchir de leur condition. La Révolution, au nom d'une foi en la fraternité, est une arme tournée contre la misère, celle qui enchaîne l'homme parce qu'elle le prive de sa dignité. Vaincre l'humiliation en leur nom propre ou pour les autres par le biais de la Révolution, voici le combat que se sont choisis les héros de La Condition humaine. Pour échapper à l'angoisse de "n'être qu'un homme", l'amour est un autre de ces moyens, mais seul l'amour véritable et fusionnel qu'éprouvent Kyo et May l'un pour l'autre est susceptible de briser la profonde solitude des êtres. Misérable humanité, humanité héroïque et grandiose, c'est "la condition humaine"... Elle résonnera à jamais comme un écho au fond de soi, tant il est vrai que ce roman est "d'une intelligence admirable et, malgré cela, profondément enfoncé dans la vie, engagé, et pantelant d'une angoisse parfois insoutenable", comme l'avait écrit Gide.